Tranches de Chine

1er clic : Frontière entre le Kazakhstan et la Chine
Il y a des lignes tracĂ©es sur l’atlas qui sĂ©parent des cousins, des hommes ayant des cultures semblables, et puis il y en a d’autres qui vous propulsent avec fracas dans un autre monde. C’est ce qui nous est arrivĂ© ce mercredi-lĂ … On est passĂ© des Kazakhs, des costauds un peu rustres, aux petites mains gantĂ©es de blanc des gardes chinois qui ont fouillĂ© scrupuleusement toutes nos sacoches une a une. Et puis nos yeux se sont arrondis, tout Ă©berluĂ©s par l’activitĂ© grouillante des chinois, la propretĂ© des avenues, les vĂ©hicules qui nous font sursauter en nous doublant: Ă©lectriques et silencieux, ils se dĂ©clinent sous forme de vĂ©los, scooters, capsules colorĂ©es rondes sur 3 roues… Les boutiques sont nombreuses et bien achalandĂ©es, des drapeaux rouges flottent au vent.

Le monde kazakh nous parait bien endormi une fois qu’on a mis les pieds en Chine.
Et puis on se demande “Ben pourquoi les Kazakhs laissent leurs champs quasi-vierges quand le cotĂ© chinois dĂ©borde de vignes, maĂŻs, tournesols, vergers…?”. Le climat est globalement le mĂŞme de chaque cotĂ© de la ligne, l’altitude est la mĂŞme, c’est la plaine.
Tout un pays a dĂ©couvrir, on digère mieux notre ratĂ© kirghize car l’enthousiasme et la curiositĂ© reprennent le dessus !

2eme acte : Chinoiseries
Ridicule, incomprĂ©hension, mĂ©fiance… On est dans un pays ou la croissance explose pendant que la dictature est au pouvoir. Les autoritĂ©s sont incroyablement courtoises et serviables, mais restent obtuses et fermes. Et les chinois dans tout ca, nous semblent complètement conditionnĂ©s. Ils haussent les Ă©paules ou font “non, non, non” de la main quand on les questionne…
Ça a commencĂ© Ă  la frontière : un no man’s land de 200 mètres (pas plus!) sĂ©pare le Kazakhstan et la Chine. Les chinois interdisent son passage Ă  vĂ©lo. Ridicule, non ? Il a donc fallu mettre les vĂ©los dans la soute d’un bus.
Dans certains cafĂ©s internet, on s’est d’abord fait dire que cela ne marchait pas (Ah bon, et les autres ils font quoi ici ?!), puis qu’il fallait notre carte d identitĂ©, “tenez voila notre passeport”. Non ! Il nous faut une carte d’identitĂ© chinoise ! (T’es gentille ma cocotte !!) En plus notre site ne marche pas ici.
On voulait rouler sur la route qui va de Yining a Kucha. On va au BSP (Bureau de la sĂ©curitĂ© publique) pour demander le permis d’y circuler. RefusĂ© net, la route est interdite aux Ă©trangers. Ils nous demandent de prendre le bus. “Et au fait, vous avez un permis pour circuler Ă  vĂ©lo en Chine ?!!”
Alors le bus, pour aller de Yining Ă  Kucha (583 km), il est passĂ© par l’est d’Urumqui (ca devient technique, prenez un atlas !!) et du coup il a fait 1850 km. Et quand on demande au chauffeur pourquoi il fait 3 fois plus de kilomètres que nĂ©cessaires, il agite sa main “non, non, non”… Il y a des trucs bizarres, quand mĂŞme !
ArrivĂ©s en soirĂ©e Ă  Kucha, trois hotels nous refusent en voyant notre tĂŞte d’Ă©trangers, agitent leurs mains “non, non, non”… Il faut croire qu’il y a des hĂ´tels pour Ă©trangers et d’autres pour les chinois. Mais un lit, c’est un lit, non ?!!
Ridicule, incomprehension, mĂ©fiance, barrière de la langue…

3eme jour : Wang Tong, Li Ming Jie et compagnie
Incroyablement serviables et gentils. Ils roulaient en scooter Ă©lectrique quand on les a croisĂ©s Ă  Yining. Ils nous ont balladĂ©s partout dans la ville, pendant des heures pour aller au cafĂ© internet chez des amis, au BSP, a la gare routière, a la banque, au resto, au supermarchĂ©, sur leur lieu de travail, encore a la gare. Trop gentils !!… Comme beaucoup de chinois, qu’ils soient Hans ou Ouighours, qui ont souvent lestĂ© nos vĂ©los de pastèques, melons, boissons, fruits…
Des regards Ă©tonnĂ©s qui se plissent rapidement en sourires. Des chinois qui n’hĂ©sitent pas a nous guider a un croisement ou autre quand on leur demande oĂą c’est.
C’est tout ca qui nous donne la pĂŞche et qui nous fait avancer !

4eme Ă©pisode : Quant t’es dans le dĂ©sert, depuis trop longtemps
Le dĂ©sert du Taklamakan, au mois d’aoĂ»t, c est pas vraiment ce qu’on avait rĂ©vĂ©. 700 km de Kucha Ă  Kashgar. On a tracĂ© sur ce ruban d’asphalte posĂ© sur le sable. Le temps Ă©tait bouchĂ©, les paysages brouillĂ©s, les montagnes sans couleur. TempĂ©ratures assommantes, gorge sèche, surtout ne pas ouvrir la bouche pour garder un peu d’humiditĂ©. Nuits sans repos sur le sable chaud. Refuge sous les ponts ou la tempĂ©rature baisse de quelques degrĂ©s.
Des cameras filment la route rĂ©gulièrement (pour surveiller le dĂ©sert ?!). De Kucha Ă  Aksu, les Chinois construisent une autoroute Ă  grand renfort de bulldozers et de rouleaux compresseurs (c’est vrai qu’il y a des embouteillages monstres dans ce dĂ©sert !!). Des antennes tĂ©lĂ©phoniques jalonnent rĂ©gulièrement la route pour que ça capte partout.
Et puis il y a ce pauvre chinois, agenouillĂ© sur le goudron, en plein cagnard, Ă©quipĂ© de sa planche en bois, de son pinceau et de son pot de peinture, et qui repeint les bandes blanches… kilomètre 1231, kilomètre 1232, kilomètre 1233… Des petites mains qui se tuent Ă  la tâche quand la Chine possède tous les moyens techniques pour faire ça vite et bien !
Heureusement qu’il y a quelques villages pour fausser compagnie Ă  la monotonie du dĂ©sert. Mais bien souvent ce sont des lieux dĂ©vastĂ©s, oĂą de tristes bâtiments longent la route. Cela nous donne quand mĂŞme l’occasion de recharger les batteries et de se goinfrer de pains chauds aux oignons ou de laghmans (pâtes fraiches aux lĂ©gumes).
Puis la route reprend, chaleur, mirages, eau brulante. Crasseux et mains pleines de poussière, nous ne pensons qu’Ă  une chose : Kashgar, oasis paradisiaque. On trace vers cet eldorado, le vent dans le dos.

Kashgar : oasis 5 étoiles
Douche, nuit dans des draps blancs, restos, cafĂ© internet… si ce n’est pas le bonheur, hein ?!! Certainement pour des cyclos qui ont passe plusieurs jours Ă  en rĂŞver…. mais qui s’en lasseront vite et seront heureux de reprendre la route pour dĂ©couvrir de nouveaux horizons et faire d’autres rencontres !
Kashgar, entre Hans et Ouighours.
Ici, les Hans tiennent le rôle des méchants et les Ouighours de persécutés.
Caro ne reconnait plus la ville qu’elle a laissĂ© en 2003. Toujours plus de constructions, les arbres ont bien poussĂ©, mais surtout les ballades dans ce qu’il reste de la vieille ville font froid dans le dos. Les Hans sont en train de tout dĂ©truire, chantiers, bulldozers… Des murs de salon, de cuisine ou de salle de bain pendent dans le vide. Le paysage est dĂ©solant. Les habitants ne veulent pas en parler, ca fait trop mal.
De grands panneaux montrent comment ce sera beau, après : grands immeubles, terrains de sport, jardins fleuris. Mais ça m’Ă©tonnerait que ce soit les Ouighours qui viennent habiter lĂ . Ces derniers iront peupler la banlieue de la ville, comme on l’a souvent vu dans les plus grandes agglomĂ©rations. Alors que le centre-ville, propre et net, continuera d’ĂŞtre grignotĂ© et investi par les Hans.

6 commentaires à propos de “Tranches de Chine”

  1. Merci pour ces moments de vie partagĂ©s; j’attends Ă  chaque fois avec impatience de vos nouvelles. Prenez soin de vous, bonne route.

  2. Nous voici rentrĂ© de Guadeloupe, et c’est avec un grand plaisir que je dĂ©couvre votre dĂ©but de pĂ©riple.
    Bon vent Ă  tous les deux!!

  3. Salut vous deux,
    Toujours ravis de lire de vos nouvelles… et heureux de voir que votre aventure continue, au grĂ© du vent et des rencontres… Bises, Claire et Bertrand

  4. Un petit coucou…
    Après quelques inquiétudes liées aux désastres météos actuels et à vos premiers billets, nous suivrons vos péripéties en Chine désormais. Profitez de votre voyage et de toutes ces rencontres!
    Famille Dollo

  5. bien contente que la suite du voyage se fasse sans menaces musclĂ©es… et ? vous faites des photo? elles seront bientĂ´t sur le site?
    bonne route Ă  vous

    anne-cécile

  6. Bonjour aux aventuriers courageux. Merci pour vos rĂ©cits que je lis avec beaucoup de plaisir. J’attends de lire la suite. J’ai repris aujourd’hui le chemin de Quintin. La rentrĂ©e approche pour les collègues. Nous aurons certainement une petite pensĂ©e pour vous ce jour-lĂ .
    Continuez Ă  vivre votre rĂŞve et bonne route.

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